Texte original rédigé par Ana Mingorance disponible ici en Anglais
Pendant les neuf dernières années, la Loulou Foundation organise une réunion annuelle, le Forum CDKL5, où des scientifiques et des développeurs de médicaments travaillant sur le trouble CDKL5 (CDD), ainsi que des représentants d’organisations de patients, se rencontrent pour discuter des derniers développements dans le domaine et progresser vers des traitements et des guérisons. Vous pouvez trouver des résumés des dernières réunions ici : 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022.
L’édition 2023 du CDKL5 Forum a eu lieu les 6 et 7 novembre à Londres, au Royaume-Uni, et reviendra à Boston l’année prochaine pour l’édition 2024. Chaque année, je dis que c’était le meilleur Forum jusqu’à présent, mais c’est vrai. J’ai rédigé 47 pages de notes. Il y avait tellement d’informations intéressantes et de moments importants ! Je vais essayer de résumer les principaux enseignements de cette année, y compris la réunion scientifique pré-forum. Cela ne couvrira pas toutes les présentations, mais se concentrera plutôt sur les thèmes principaux et les progrès majeurs, qui sont nombreux.
1 – NOUVELLES INFORMATIONS UTILES SUR LE CDD
Le Forum s’ouvre et se termine toujours par les mots de la communauté des patients. Cette année, Cristina, de CDKL5 Espagne, a ouvert la conférence avec des mots puissants. Elle a expliqué que lorsqu’ils ont reçu le diagnostic de leur fille, ils ont également appris que leur fille « vivrait une vie entre l’incertain et l’horrible ».
C’est pourquoi, pour elle, la recherche signifie l’espoir.
Et chaque année, nous continuons d’apprendre de nouvelles choses sur le CDD qui ont des implications importantes pour comprendre la maladie et réfléchir aux traitements. En voici trois, et consultez également le point #6 dans ce résumé.
• Le Dre Lauren Orefice de MGH et de Harvard nous a montré que l’aversion pour la texture des aliments dans le CDD se produit en raison de changements sensoriels, plutôt que de raisons comportementales. Les souris atteintes de CDD ont des neurones sensoriels hyper-réactifs à la texture rugueuse, c’est pourquoi elles n’aiment pas cela. C’est probablement la même chose pour les personnes atteintes de CDD qui pourraient avoir des difficultés avec des textures alimentaires spécifiques.
• Plusieurs projets de recherche continuent de trouver des changements fonctionnels dans les cerveaux atteints de CDD, plutôt que des changements structurels (Dre Tanaka, Dre Higley, Dre Fagiolini et autres). Cela signifie que les neurones sont au bon endroit, et globalement, le cerveau a une forme et une connexion normales, mais certains neurones fonctionnent ensemble plus qu’ils ne le devraient, tandis que d’autres ne fonctionnent pas ensemble autant qu’ils le devraient. Pour moi, cela est prometteur pour les traitements, car normaliser l’activité neuronale peut entraîner des changements plastiques dans ce type de connectivité neuronale fonctionnelle. Ce qui serait beaucoup plus difficile, c’est de tenter de corriger le placement incorrect des neurones.
• Nous avons eu une merveilleuse conférence du Sir Adrian Bird, devenu célèbre après avoir montré que le syndrome de Rett pouvait être réversible chez les souris. Il nous a expliqué comment, dans le syndrome de Rett, avoir trop peu ou trop de MECP2 sont deux options mauvaises, donc les thérapies géniques en développement pour le syndrome de Rett (trop peu de MECP2) intègrent toutes des mécanismes de contrôle pour éviter une surexpression de MECP2. Une grande surprise de ce Forum a été la confirmation par le Dr Sharyl Fyffe-Maricich d’Ultragenyx, avec des données sur les souris et les primates, de ce que nous soupçonnions depuis plusieurs années : le corps impose une limite à la quantité de CDKL5 que vous pouvez exprimer et il ne vous permettra pas de faire une surproduction ( de CDKL5. Les neurones éliminent tout l’excès, peu importe la quantité de thérapie génique que vous leur donnez. C’est très encourageant, car cela rend les thérapies géniques pour le CDKL5 plus faciles, car nous n’avons pas besoin d’ajouter ce « frein ».
2 – RÉSOLUTION DES PROBLÈMES CLÉS POUR AVANCER DANS LE DIAGNOSTIC ET LA RECHERCHE
Le Forum 2023 a montré davantage de modèles de recherche collaborative par rapport aux années précédentes, et en particulier, je tiens à souligner les progrès dans le diagnostic et les modèles de crises.
Les tests génétiques ne sont pas toujours faciles à interpréter. Par exemple, si votre enfant a une mutation dans le gène CDKL5 qui casse le gène, alors il est facile à interpréter dans un test génétique. Mais que se passe-t-il lorsque la mutation change une lettre par une autre ? C’est difficile, et nous nous retrouvons avec des VUS (variantes de signification inconnue) et un diagnostic incertain. Une équipe de l’Institut de génétique et de médecine de Téléthon (TIGEM) fabrique en laboratoire toutes les modifications possibles de lettres dans le CDKL5 et vérifiera toutes leurs fonctions dans les cellules, puis mettra les résultats dans une base de données. De cette manière, les laboratoires génétiques auront toujours une réponse pour toute modification de lettre qu’ils trouvent. Plus de VUS pour le CDKL5, quel projet génial.
Et un autre grand progrès dans les outils de recherche de cette année a été que de nombreux modèles pertinents pour les crises sont enfin disponibles ! Le Dre Liz Buttermore nous a montré un bel essai avec des cellules de patients présentant un signal d’hyperexcitabilité très net dans les neurones dérivés de patients. En tant qu’ancienne scientifique de l’industrie pharmaceutique, je sais que c’est le type d’essai que j’aimerais faire. Si vous vous souvenez des années précédentes, le Dr Muotri de l’UCSD avait un excellent modèle CDD in vitro utilisant des organoïdes du cortex cérébral. Cette année, le Dr Rebeca Blanch de son laboratoire nous a montré qu’ils fabriquent maintenant des organoïdes thalamo-corticaux, pour essayer de recréer de manière plus précise l’un des principaux circuits épileptiques. Très cool ! Et le professeur Peter Kind nous a montré comment son laboratoire a identifié un point chaud de l’épilepsie dans le cerveau de rats atteints de CDD et qu’ils peuvent le stimuler pour provoquer des crises à volonté. C’est un modèle d’épilepsie fantastique ! Cette année, nous avons fait d’incroyables progrès dans ce domaine.
3 – « LES 4 APPROUVÉS » ET LA PIPELINE DE TRAITEMENT AUJOURD’HUI
Le CDD a eu le premier médicament approuvé aux États-Unis (2022) et en Europe (2023).
Pour vous montrer à quel point c’est spécial et difficile d’avoir un médicament approuvé pour un syndrome épileptique rare, je vais répéter ici ce que j’ai dit lors de ma présentation lors de la session sur la pipeline de traitement : il existe plus de 300 syndromes épileptiques, et seulement 4 syndromes épileptiques ont un médicament approuvé. Il s’agit du complexe de la sclérose tubéreuse (TSC), du syndrome de Lennox-Gastaut (LGS), du syndrome de Dravet et du CDD. C’est tout, seulement 4.
Une société pharmaceutique a récemment commencé à les appeler « les 4 approuvés » parce que c’est tellement exceptionnel pour un syndrome épileptique d’avoir un médicament qui a atteint la ligne d’arrivée. Pour les entreprises qui cherchent à développer des traitements, ces 4 approuvés seront plus faciles et donc plus attractifs que les autres, car il y a déjà un historique et donc de nombreuses réponses sur la manière d’obtenir l’approbation d’un médicament pour eux. Ainsi, la valeur du ganaxolone va au-delà de la valeur du médicament.
Nous sommes passés de zéro à 8 essais cliniques en 8 ans et sommes devenus l’un des 4 approuvés. C’est un début très fort.
Maintenant, la question qui reste est « qu’est-ce qui vient ensuite ? ». Au Forum, nous avons eu plusieurs présentations sur les thérapies à venir et de nombreux efforts pour les soutenir, que je résume ici et dans les trois sections suivantes.
Marinus Therapeutics a annoncé lors du Forum qu’ils ont maintenant signé un programme d’accès mondial pour aider à fournir du ganaxolone aux personnes atteintes de CDD dans les pays où il n’est pas disponible commercialement (ou en cours de devenir disponible, comme c’est le cas pour l’Europe). Leur site web a une adresse e-mail de contact pour que les médecins puissent en savoir plus sur l’accès. Ils ont également montré de belles données d’efficacité anticonvulsivante soutenue avec le ganaxolone sur 2 années complètes.
UCB Pharma était représentée avec deux intervenants, dont leur CMO (Responsable Marketing), qui a expliqué que UCB consacre 30 % de son chiffre d’affaires à la R&D – c’est beaucoup pour l’industrie. Et comme vous le savez, une partie de cela a été consacrée à l’acquisition de Zogenix et de leur médicament, la fenfluramine, qui est maintenant en essais de phase 3 pour le CDD. Cet essai est présent sur un site web avec un nom facile à retenir : cddstudy.com et vous pouvez y voir tous les pays où l’essai est disponible en Asie, en Europe et en Amérique du Nord.
Nous avons également examiné plusieurs médicaments en développement pour d’autres épilepsies ou d’autres troubles du neurodéveloppement et qui pourraient potentiellement rejoindre la pipeline du CDD dans les années à venir. Cela incluait d’autres médicaments GABA, des activateurs de KCC2, des inhibiteurs de Cav2.3 (que nous examinons dans la section 6) et certains traitements qui ciblent le microbiome intestinal et que je trouve très intéressants.
La conclusion de la session sur la pipeline actuelle du CDD est que le ganaxolone n’est que le début et qu’il existe plusieurs options à venir derrière lui.
4 – PRÊT POUR LES ESSAIS CLINIQUES : COMMENT LA COMMUNAUTÉ DES PATIENTS REND LES THÉRAPIES FUTURES POSSIBLES
Après le Forum, nous avons reçu des e-mails de professionnels de l’industrie pharmaceutique et biotechnologique qui ont assisté au Forum et ils ont tous mentionné cette session comme très impactante. Comme l’a littéralement écrit l’un d’eux, « cela attirera une plus grande participation de l’industrie ».
Cette session portait sur les biomarqueurs et les mesures de résultats, c’est-à-dire « ce qu’il faut mesurer dans les essais qui examineront plus que les crises ». Cela est particulièrement critique pour les futurs essais de thérapie génique, et les 12 derniers mois ont vu d’énormes progrès.
Les biomarqueurs sont une façon de voir les changements dans le cerveau sans prendre directement une biopsie. Un type de biomarqueurs est celui que l’on peut mesurer dans le sang (les niveaux de glucose sont un biomarqueur du diabète), et le Dr Massi Bianchi d’Ulysse nous a montré des données préliminaires très prometteuses pour mesurer la plasticité neuronale dans un test sanguin en examinant deux marqueurs clés. Un autre type de biomarqueur utilise l’imagerie cérébrale, et le Dr Eric Marsh de CHOP nous a montré des données d’une grande collaboration où ils peuvent corréler les signaux EEG avec la gravité de la maladie chez les patients atteints de CDD. Ces deux types de biomarqueurs sont très susceptibles d’être utilisés dans les futurs essais cliniques.
Le Dr. Marsh nous a également fait un retour sur le développement de nouvelles échelles cliniques novatrices visant à mesurer les symptômes du CDD au-delà des crises, supervisées par le réseau ICCRN. Ils ont achevé une première partie et maintenant ils ajustent et confirment les nouvelles échelles, qui semblent très prometteuses. Et un élément important à souligner : il s’agit d’une étude portant sur plus de 100 patients, et 100 patients constituent la taille d’un essai de phase 3 dans le CDD, donc félicitations à la communauté des patients pour s’être mobilisée pour faire avancer ce travail et rendre les études sur les biomarqueurs possibles.
Ensuite, le Dr Xavier Liogier, de la Loulou Foundation, nous a informé des progrès de l’étude CANDID, menée en collaboration avec un consortium d’entreprises développant des traitements pour le CDD. Cette étude évalue des échelles cliniques bien connues qui ont déjà été utilisées dans des essais cliniques pour d’autres maladies, pour voir comment elles pourraient s’appliquer au CDD. L’année dernière, Xavier nous a parlé du premier patient inscrit. Douze mois plus tard, il nous a informés que nous aurons plus de 100 participants d’ici la fin de cette année et nous a montré beaucoup de données sur la manière dont ces échelles sont capables de capturer différents symptômes du CDD. Le graphique de recrutement semblait exponentiel, montrant une fois de plus la mobilisation extraordinaire de la communauté des patients pour rendre l’étude CANDID possible.
Le Dr Billy Dunn, ancien directeur du Bureau des neurosciences de la FDA et actuel conseiller principal de la Loulou Foundation, a modéré cette session et a félicité tous les intervenants pour l’esprit de collaboration en partageant toutes ces données encore en cours, soulignant la valeur de construire tous ces biomarqueurs et échelles comme un « menu à choisir » pour permettre des essais complexes dans le CDD.
5 – FAIRE UNE THÉRAPIE GÉNIQUE, C’EST COMME CONSTRUIRE UNE MAISON
Il y a un an, lors du Forum 2022, nous pensions qu’à la fin de 2023, nous aurions l’annonce qu’une des thérapies géniques pour le CDD aurait reçu le feu vert pour un essai. Nous n’avons pas eu cette nouvelle.
Et en discutant avec certains parents au Forum sur la meilleure façon d’expliquer aux non-scientifiques les implications des retards dans des projets de processus très complexes, nous avons voulu imager la thérapie génique en se disant : La thérapie génique ressemble beaucoup à la construction d’une maison. Vous approuvez la conception initiale, et le constructeur vous donne un calendrier pour quand vous obtiendrez les clés. Ensuite, cela se déroule rarement comme prévu. Et c’est parce qu’il y a trop d’étapes ce qui peut engendrer une perte de temps de plus en plus grande, mais ce n’est pas un signe qu’il y a un problème fondamental avec la maison ou que vous ne recevrez jamais les clés. Il se peut que le coulage de la fondation soit retardé en raison d’un long hiver, que l’isolation ait dû être refaite, que la construction du squelette de la maison puisse également révéler certaines surprises… ajoutez à cela les installations, les finitions extérieures, puis tout le travail intérieur… il y a de nombreuses étapes qui affectent les prédictions de calendrier.
Faire une thérapie génique n’est pas très différent de construire une maison. Les experts en biotechnologie savent comment faire des thérapies géniques, mais ils doivent toujours ajuster chaque étape à nos thérapies géniques particulières, et il y a tellement d’étapes complexes, y compris les examens réglementaires (comme les différentes inspections de la maison !) que les calendriers finissent par changer, mais c’est simplement une partie normale de la réalisation d’une thérapie génique.
Ce que nous savons aujourd’hui, c’est que la thérapie génique d’Ultragenyx et celle que la Loulou Foundation développe avec UPenn ont toutes deux déjà été présentées aux régulateurs en 2023, et elles espèrent toutes deux obtenir l’approbation de l’essai clinique en 2024. Donc les progrès ont été bons, simplement pas aussi rapides que nous l’espérions tous. Et Sharyl d’Ultragenyx a été très claire dans sa présentation cette année : ils n’ont trouvé aucun signal de sécurité indésirable avec la thérapie génique du CDD à ce jour dans aucune de leurs études sur les animaux, y compris les primates. Il s’agit simplement de devoir effectuer un peu plus de travail supplémentaire pour réussir l’inspection de la maison.
En résumé : à la fin de l’année dernière, on nous a dit « Je pense que je peux vous donner les clés de la maison d’ici la fin de l’année prochaine » et cela ne s’est pas encore produit, mais il n’y a aucun problème avec la maison. Il est simplement très difficile de prédire les calendriers exacts dans des projets très complexes.
Au Forum 2023, nous avons également examiné les progrès réalisés avec de nouvelles modalités de thérapie génique qui n’ont pas encore été approuvées pour aucune maladie humaine, il n’y a donc pas de précédents. En particulier, nous avons eu une mise à jour du Dr Kyle Fink de l’UC Davis, qui développe une approche similaire à CRISPR pour réactiver la deuxième copie du gène CDKL5 dans chaque cellule chez les femmes (à partir du deuxième chromosome X), et également de Kelcee Everette du laboratoire de David Liu, qui développe également une approche similaire à CRISPR appelée Prime Editing pour corriger la lettre incorrecte ou insérer une lettre manquante dans les gènes mutés de CDKL5. Dans les deux cas, une grande partie du travail se concentre sur l’amélioration de l’efficacité (plus de copies du gène réparées), de la spécificité (ne pas interférer avec d’autres gènes) et sur la façon de rendre les outils CRISPR plus petits afin qu’ils puissent s’adapter aux virus utilisés dans les thérapies géniques. Ces projets sont comme la construction de nouvelles maisons avec des matériaux complètement nouveaux qui n’avaient jamais été utilisés auparavant, et qui sont jusqu’à présent trop grands pour bien s’adapter à la maison. Les calendriers sont donc inconnus, mais les progrès sont très tangibles. Et il est assez étonnant de voir que l’une des premières maladies auxquelles ces nouvelles technologies sont appliquées est précisément le CDD.
6 – DEUX SURPRISES QUI ONT OUVERT DEUX NOUVELLES PORTES IMPORTANTES
Tout ne prend pas plus de temps que prévu. Certaines choses se produisent plus rapidement que prévu. Nous avons vu deux excellents exemples de cela lors du Forum.
Le Dr Ibo Galindo du CIPF a présenté une analyse évolutive fascinante de CDKL5 depuis la première cellule unique qui existait et tout au long de l’ensemble de l’arbre de la vie. Il s’avère que les plantes avaient des gènes CDKL mais les ont perdus (elles ont le CDD !), et le gène CDKL5 original s’est ensuite dupliqué deux fois, donnant naissance à 5 formes. Et il s’avère que bien que toutes les formes CDKL1-5 semblent être importantes pour contrôler le cytosquelette cellulaire, CDKL5 semble avoir acquis de nouvelles fonctions chez les vertébrés. Il y avait deux conclusions importantes : 1) il y a probablement une redondance fonctionnelle parmi les protéines CDKL, et 2) CDKL5 a une queue unique chez les vertébrés qui suggère une nouvelle fonction non liée au cytosquelette.
Et ces conclusions fournissent un contexte intéressant pour deux projets issus du laboratoire du Dr Sila Ultanir à l’Institut Crick que je résume ci-dessous. Le laboratoire de Sila a reçu le prix du laboratoire de l’année de la Loulou Foundation lors du dernier Forum, mais j’aime les appeler le « Laboratoire de la décennie » en raison de leur importante contribution continue au domaine du CDD.
Un paralogue est un gène qui est né d’une duplication d’un autre gène, de sorte que les deux copies sont tellement similaires qu’elles pourraient avoir des fonctions chevauchantes. C’est ce qui s’est passé dans l’amyotrophie spinale, la maladie neuromusculaire mortelle chez les bébés nés sans le gène SMN1 fonctionnel, qui est maintenant traitable car les scientifiques ont trouvé un moyen d’utiliser SMN2 (un paralogue !) pour compenser la perte de SMN1.
Le laboratoire de Sila a découvert que la cible de cytosquelette la plus célèbre que nous connaissons pour CDKL5, appelée EB2, n’était pas uniquement contrôlée par CDKL5 dans les neurones, il semblait y avoir une autre kinase qui pouvait faire le même travail. Et il s’est avéré que c’était CDKL2 ! Donc maintenant, elle envisage la possibilité d’augmenter l’expression de CDKL2 pour compenser la perte de CDKL5. Et il y a la possibilité de le faire en utilisant une approche ASO (Antisens Oligonucleotide). Lors du Forum, nous avons eu une merveilleuse conférence du Dr Stanley Crooke, qui a fondé et dirigé Ionis (la société qui a fabriqué le premier traitement par ASO pour l’amyotrophie spinale) et a ensuite créé une organisation à but non lucratif appelée N-Lorem pour fabriquer des ASO spécifiquement pour les personnes atteintes de maladies nano-rares. Et il a expliqué que « CDKL2 a de belles caractéristiques architecturales pour le rendre adapté à la surexpression » en utilisant des ASO. Et il en sait quelque chose !
Il a été assez inattendu de découvrir que nous pourrions suivre les étapes de l’amyotrophie spinale en trouvant un deuxième gène qui pourrait faire une grande partie du travail du premier gène (du moins dans les neurones, car il semble que dans d’autres organes, cela pourrait être un autre CDKL). Et cela s’est produit super rapidement.
La Dre Marisol Sampedro, travaillant dans le laboratoire de Sila, avait fait la découverte l’année dernière que le CDD pourrait être en partie une canalopathie parce qu’elle avait trouvé une nouvelle cible pour CDKL5 qui est un canal ionique. Le canal s’appelle Cav2.3, et lorsqu’il n’est pas phosphorylé par CDKL5 (comme cela se produirait en cas de déficience), le canal reste trop ouvert, et les neurones restent trop actifs. Donc ce dont nous aurions besoin, ce sont des inhibiteurs. Vous pouvez en lire davantage dans le récapitulatif du Forum de l’année dernière (point 4, où j’ai appelé cette découverte une percée).
Un an plus tard, nous avons vu une nouvelle entreprise au Forum, appelée Lario Therapeutics, nous disant qu’ils développent des inhibiteurs de Cav2.3 pour le CDD et pour une maladie résultant de mutations provoquant un gain de fonction dans ce gène. (donc ils ont aussi une activité excessive). Le scientifique en chef de Lario a expliqué qu’ils sont sur le point de terminer l’optimisation chimique et de commencer à effectuer des expériences de sécurité pour faire progresser leur nouveau médicament vers des essais cliniques. Il s’agit d’une approche de médecine de précision pour traiter le CDD et cela s’est produit très rapidement.
RÉSUMÉ : MOMENTUM
Cette année, nous avons appris que la première thérapie génique prend un peu plus de temps que ce que nous pensions, mais de nombreuses autres choses se déroulent plus rapidement que prévu, notamment l’émergence de nouvelles voies thérapeutiques (CDKL2 et Cav2.3) qui étaient inimaginables pour nous il y a à peine 2 ans. Nous avons également constaté que plusieurs efforts pluriannuels ont enfin donné des résultats tangibles cette année, comme les deux études observationnelles qui ont recruté autant de patients que des essais de phase 3, ou enfin avoir de beaux modèles épileptiques in vitro et in vivo du CDD du type dont les entreprises pharmaceutiques ont besoin. J’ai l’impression que le rythme des progrès s’accélère, presque comme cette chronologie de recrutement pour l’étude CANDID, et nous avons atteint un puissant élan.
C’est exactement le même mot que Stan Crooke a choisi lorsqu’il s’est tenu sur scène, et nous a dit « vous pouvez sentir l’élan derrière la science« . Et je pense que c’est une bonne phrase pour capturer ce que nous avons vu cette année.
Et cet élan repose sur deux piliers qui ont également été souvent mentionnés lors du Forum 2023 : la détermination et l’esprit de collaboration.
Je vais donc vous laisser avec des citations de trois parents qui ont pris la parole lors de la réunion :
- Cristina, de CDKL5 Espagne, nous rappelent que « Les personnes atteintes de CDD sont incroyables et elles méritent le meilleur« .
- Majid, de la Loulou Foundation, reconnaissant du chemin parcouru, avec ces mots « Nous avons avancé plus rapidement et plus loin que je ne l’aurais imaginé grâce à vous tous. Et en même temps, ce n’est jamais aussi rapide ni aussi loin que souhaité par les familles« . Il a ensuite appelé l’audience à se réengager avec encore plus de passion, de détermination et de volonté.
- Et Heike, représentant l’Alliance CDKL5, qui nous a parlé de sa fille et de sa personnalité, des efforts que tous les pays de l’alliance font au niveau local et international, et comment « ensemble, nous sommes plus forts« .
Je sais que je dis cela chaque année, mais c’était le meilleur Forum CDKL5 jusqu’à présent.
J’espère que vous avez apprécié ce résumé. Faites-moi part de vos réflexions dans les commentaires.
Ana Mingorance, PhD
Avis de non-responsabilité : Ceci est mon propre résumé et mes principales découvertes, et non un texte officiel sur le Forum de la part de la Loulou Foundation. J’écris ces textes en pensant aux parents de personnes atteintes de CDD, alors excusez aussi mon manque de précision technique par endroits.